Magnificences
en Provence

En mai dernier, dans la lumière et les senteurs divines des soirs de printemps, la Maison révélait – au cœur du château de la Colle Noire, si cher à Christian Dior – la nouvelle collection de haute joaillerie de Victoire de Castellane : Diorexquis. Un hommage virtuose à la nature qui n’a cessé d’inspirer le couturier comme ses successeurs. Retour sur cet événement magique. Par Marie Audran.

_DSC0248

© ADRIEN DIRAND

« Cette maison-là, je voudrais qu’elle fût ma vraie maison. (…) Celle où je pourrai boucler la boucle de mon existence et retrouver, sous un autre climat, le jardin fermé qui a protégé mon enfance. Celle où je pourrai vivre enfin tranquille, oubliant Christian Dior pour redevenir tout simplement Christian. » Ainsi le couturier décrit-il la bastide de son cœur, le « Château Dior », comme l’ont rebaptisée les habitants de la région : La Colle Noire, nommée de la sorte car ceinte de collines (autrement appelées « colles ») densément peuplées de cyprès et de chênes aux profonds reflets émeraude.

De son aura unique, elle surplombe la plaine de Fayence et son collier de villages perchés, tel Montauroux qui domine, tout près des champs de roses Centifolia de Grasse, à quelques kilomètres de la Riviera. Le lieu rêvé pour dévoiler Diorexquis, la nouvelle collection de haute joaillerie de Victoire de Castellane.

Un hommage à la nature se déployant en de somptueux tableaux de pierres précieuses aux tonalités intenses, esquissant des motifs paraissant, parfois, comme dessinés avec le regard d’un enfant. Celui du jeune Christian observant sa mère Madeleine cultiver sa roseraie tant aimée à Granville, ce fameux « jardin fermé qui a protégé [son] enfance » ? Monsieur Dior retrouvait sans aucun doute cette nostalgie merveilleuse quand, au volant de son Austin Princess, il passait le grand portail, ouvrant sur l’allée aux quatorze cyprès, de La Colle Noire : son refuge provençal, son havre de paix où il venait se ressourcer entre deux défilés.

DIOR_HJ_J2_0703

© FIONA TORRE

DIOR_HJ_J2_0678

© FIONA TORRE

La maison Dior ne pouvait choisir meilleur écrin d’exception* pour accueillir ses invités de prestige à l’occasion de la présentation de ces magnifiques joyaux composant Diorexquis et sublimant trois thèmes fondateurs de Dior : les paysages enchanteurs, les bouquets délicats et les bals féeriques. Un triptyque éblouissant, racontant tour à tour l’amour que cultivait le maître du New Look pour les splendeurs du monde végétal et sa fascination pour le faste des fêtes extraordinaires.

Fusionnant d’audacieux jeux de volumes et de super­positions entre les gemmes – finement sculptés sur des arrière-plans en pierre dure ourlés de diamants –, les modèles se révèlent comme autant de prodigieux récits, magnifiant la nature et ses transformations. Les bijoux évoquent ainsi le passage du temps, au rythme des saisons : la pureté de l’hiver, dont les splendeurs glaciales s’épanouissent en de fabuleuses compositions ; l’effervescence du printemps, transposée dans la végétation florissante qui constelle certains ensembles ; ou encore l’allégresse des beaux jours, représentée dans l’éclat des pierres chatoyantes qui sertissent plusieurs sets étincelants. Divine surprise, un collier, une bague et d’élégantes boucles d’oreilles font revivre, lors d’irrésistibles saynètes, la magie des bals, quand le rêve embrasse la réalité.

* Un écrin unique qui dialoguait sublimement avec l’Eden-Roc, palace iconique de la Riviera, qui accueillait, notamment, pour l’occasion, une scénographie magistrale faisant rayonner la prodigieuse créativité de Diorexquis.

Pour célébrer cette féerie joaillière, un cocktail suivi d’un dîner orchestré par Mauro Colagreco – chef triplement étoilé du Mirazur, à Menton, qui œuvre également en harmonie totale avec la nature – était organisé dans les jardins, sous les pergolas vert sauge se fondant dans la flore champêtre : une ode à l’art de vivre et de recevoir cher à Dior, comme si Christian Dior lui-même réunissait ses proches les plus chers dans sa sublime « maison de famille ». Ultimement raffinée, la vaisselle Dior Maison, inspirée du XVIIIe siècle, se ponctuait de dessins subtilement esquissés de brins de muguet, porte-bonheur fétiche de Monsieur Dior. Myosotis, agapanthes, jasmins, citronniers, romarins, thyms, lavandes distillaient leurs senteurs et leurs couleurs dans des nuances chorales de bouton-d’or, de blanc, de parme et de violet : une symphonie pastorale, soulignant plus encore l’infinie douceur de vivre des tendres soirées printanières.

Prolongeant cette alchimie bucolique, l’artiste lyrique Pretty Yende chantait, notamment, la mélodie Beau Soir de Claude Debussy, en prélude impressionniste au défilé. À la nuit tombée, vingt-cinq silhouettes haute couture imaginées spécialement par Maria Grazia Chiuri se dévoilaient le long du miroir d’eau, en un scintillement enchanteur. La noblesse délicate des velours (déclinés, selon des savoir-faire d’excellence, en vert forêt, prune, ocre jaune, or) se faisait l’écho des couleurs intenses des pierres ; tandis que les robes corolles courtes et les ravissantes broderies mille-fleurs répondaient aux extraordinaires odes florales joaillières créées par Victoire de Castellane. Un majestueux feu d’artifice venait clore, en toute magnificence, cette chorégraphie onirique, un moment suspendu, un pur instant de grâce.

DIOR_HJ_J2_0337

© FIONA TORRE

Excellences poétiques

Fruit de savoir-faire inestimables, la ligne Diorexquis concentre toute la virtuosité des Ateliers, incarnée, notamment, par la technique du « doublet d’opale », qui consiste à monter une couche d’opale sur une autre pierre – l’onyx ou la nacre –, afin de composer d’envoûtants camaïeux, rappelant les nuances complexes du ciel ou de l’eau. Une succession de gestes experts, incroyablement précis, grâce auxquels prend vie la formidable créativité de Victoire de Castellane. Le procédé du plique-à-jour repousse plus encore les limites de l’excellence, en constellant les bouquets de mille couleurs pétillantes grâce à l’utilisation de la laque – signature de Dior Joaillerie – travaillée en transparence(s), qui apparaît alors comme un vitrail miniature à travers lequel perce sublimement la lumière.

DIOR_HJ_J2_0201

© Fiona Torre

La Colle Noire, refuge du merveilleux

Le couturier insuffle à cette bastide, édifiée en 1860* et qu’il acquiert le 24 octobre 1950, l’esprit d’une maison de famille. S’inspirant de ses souvenirs et succombant à ses rêves d’architecte, il recrée, dans le domaine, le paradis de son enfance, son jardin d’Éden. Il y dessine un miroir d’eau, copie agrandie du petit bassin de la villa Les Rhumbs, à Granville, réalisé par sa mère au début des années 1920. Fidèle à sa passion pour le jardinage, Christian Dior s’entoure d’arbres, d’essences rares et de fleurs aux effluves subtils – roses, glycine, jasmin. Enrichissant son savoir-faire botanique, il taille ses vignes, presse son huile d’olive et participe à la récolte des roses Centifolia de sa sœur Catherine, qui vit tout près de là, à Callian. Autant de cultures fidèlement poursuivies aujourd’hui par La Colle Noire. La demeure incarne cette dolce vita : un temps long et merveilleux, où les déjeuners se prennent dehors, entre une randonnée en montagne et une balade en bateau. Christian Dior la savoure, accompagné de ses amis, jusqu’aux derniers jours d’août 1957, perpétuant cet art de recevoir qu’il aime tant. En témoignent les mots inscrits dans le livre d’or de La Colle Noire, où les signatures de Mizza Bricard et de Roger Vivier côtoient une esquisse à l’encre de Marc Chagall, qui écrit : « Pour Dior, grand artiste. »

* Tout comme sa poétique chapelle dont les vitraux ont été réinventés par l’artiste Jean-Michel Othoniel, en hommage au muguet.

Culture - EDEN ROC
 / 
00:00
Culture - EDEN ROC
 / 
00:00

© Melinda Triana

_DSC0248
DIOR_HJ_J2_0703
DIOR_HJ_J2_0678
DIOR_HJ_J2_0337
DIOR_HJ_J2_0201